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mardi 1 novembre 2016

La cogestion, pierre angulaire du modèle allemand

La cogestion, pierre angulaire du modèle allemand
On ne compte plus les références au modèle allemand. Mais peu sont consacrés au système de la
cogestion allemande, la "codétermination" (mitbestimmung).


LE MONDE ECONOMIE | 20.02.2012 à 16h10 • Mis à jour le 16.03.2012 à 11h23 | Par Armand Hatchuel, professeur à Mines ParisTech
On ne compte plus les références au modèle allemand. Mais, dans ce flot d'analyses et de
commentaires, peu sont consacrés au système de la cogestion allemande. Vu de France , tout semble nous éloigner d'un équilibre entre pouvoir des salariés et pouvoir des actionnaires dans les entreprises .
Mais, quand on insiste sur les performances industrielles enviables de notre voisin, comment oublier une telle différence dans le rouage central de la machine économique ?
En outre, la cogestion allemande, que l'on doit plus justement appeler"codétermination"
(mitbestimmung), a fonctionné pendant plusieurs décennies et a résisté jusqu'ici à la pression de la corporate governance, fondée sur le primat de l'actionnaire. Outre-­Rhin, l'idée d'équilibrer les rapports entre travailleurs et patrons remonte au XIXe siècle.
Mais c'est à la suite de la première guerre mondiale, durant laquelle on expérimente des comités d'atelier, que la République de Weimar inscrit dans sa Constitution le principe de la participation des salariés à la gestion.
Les lois de 1920-­1922 créent des comités de salariés par établissement (betriebsrätegesetz) de plus de vingt personnes et une représentation d'un ou deux membres de ces comités aux conseils de surveillance des compagnies. Ces lois seront abrogées par les nazis.
En 1947 est instituée la parité des représentants des salariés et des actionnaires dans les conseils de surveillance, mais dans un seul secteur, celui des mines et de la métallurgie, afin de mieux résister aux tentatives de démantèlement des entreprises allemandes par les Alliés.
En 1952, la codétermination est généralisée mais avec un tiers de salariés au conseil de
surveillance.
En 1976, la parité est étendue à toutes les compagnies de plus de 2 000 employés.

"COLLECTIF D'ENTREPRISE"
Ainsi, un nombre égal de représentants des salariés et des actionnaires ­ ces derniers élus par leur assemblée générale ­ siègent au conseil de surveillance.
Son président est élu par une majorité des deux tiers et possède deux voix pour permettre la décision.
Il revient au conseil de surveillance de nommer et de révoquer les membres du conseil de
direction de l'entreprise.
Ces deux conseils doivent faire approuver leurs actions et résultats par l'assemblée des
actionnaires, qui seule peut décider des statuts et de la destination des actifs et des profits de la société. Ce système ne vise pas le contrôle du partage du profit.
La codétermination institue donc un "collectif d'entreprise", englobant actionnaires et salariés, qui désigne et évalue solidairement les dirigeants chargés du destin commun. Ce principe a joué un rôle central dans les débats politiques et juridiques autour de la loi.
Certes, avec la mondialisation, les tenants d'une corporate governance à l'anglo-­saxonne ont tenté de limiter la codétermination. Mais l'expérience ainsi que de multiples études ont montré que la codétermination n'avait pas paralysé les entreprises allemandes, ni fait fuir les investisseurs étrangers ni provoqué une perte d'efficacité générale.
Enfin, la codétermination ne s'est pas substituée à la négociation collective entre syndicats et pouvoirs publics.
En France, les appels à un dialogue social constructif sont récurrents, sans remettre en cause la dissymétrie entre salariés et actionnaires. L'exemple allemand n'est pas transférable, mais il suggère que c'est à partir d'une conception plus équilibrée de l'entreprise que l'on peut espérer un dialogue social véritable. 
En France, les appels à un dialogue social constructif sont récurrents, sans remettre en cause la dissymétrie entre salariés et actionnaires. L'exemple allemand n'est pas transférable, mais il suggère que c'est à partir d'une conception plus équilibrée de l'entreprise que l'on peut espérer un dialogue social véritable.