Repères chronologiques
Mars 1791 : Premier club féminin à
Paris.
Septembre 1791 : la Constitution ne
donne pas le droit de vote aux femmes.
Décembre 1791 : Mme Roland
commence à tenir son salon à Paris.
Mars 1792 : Le mari de Mme Roland
devient ministre de l’intérieur.
Septembre 1792 : Loi autorisant le
divorce en traitant à égalité les deux époux.
Mai 1793 : Arrestation de Mme
Roland. Les députés de la Gironde sont chassés de la Convention par les
sans-culottes.
Octobre 1793 : Interdiction des clubs
féminins.
Novembre 1793 : Mme Roland
guillotinée.
Aide
Brissot (1754-1793) : Député à la Législative
(1791-1792) puis à la Convention (1792-1793) et chef de file des girondins
pendant la Révolution française. Guillotiné avec les Girondins.
Girondins : Groupe de députés modérés qui
s’oppose aux députés de la » Montagne ».
Marat : Dirigeant du groupe des députés
de la « Montagne ».
Questions :
1. Identifiez le milieu politique et
social auquel Manon Roland se rattache. (Doc. 1 et 2)
2.
Relevez dans les documents les différents moyens d’action qu’ont les femmes
durant la Révolution. (Doc. 1, 3, 5 et 6)
3.
Expliquez à qui s’oppose Madame Roland et pourquoi. (Doc. 3 et 4)
4.
Analysez la manière dont Manon Roland conçoit le rôle politique et intellectuel
des femmes (Doc. 1 et 3).
Document 1 : Madame Roland et les salons girondins
Brissot vint nous visiter […]. Il nous
fit connaître ceux des députés que d’anciennes relations ou la seule conformité
des principes et le zèle de la chose publique réunissaient fréquemment pour
conférer sur elle. Il fut même arrangé que l’on viendrait chez moi quatre fois
la semaine dans la soirée, parce que j’étais sédentaire, bien logée, et que mon
appartement se trouvait placé de manière à n’être fort éloigné d’aucun de ceux
qui composaient ces petits comités.
Cette disposition me convenait
parfaitement ; elle me tenait au courant des choses auxquelles je prenais un
vif intérêt ; elle favorisait mon goût pour suivre les raisonnements politiques
et étudier les hommes. Je savais quel rôle convenait à mon sexe, et je ne le
quittai jamais. Les conférences se tenaient en ma présence sans que j’y prisse
aucune part ; placée hors du cercle et près d’une table, je travaillais des
mains, ou faisais des lettres, tandis que l’on délibérait ; mais eussé‑je expédié dix missives, ce qui m’arrivait
quelquefois, je ne perdais pas un mot de ce qui se débitait, et il m’arrivait
de me mordre les lèvres pour ne pas dire le mien. […] Là, on examinait l’état
des choses, celui de l’Assemblée [2], ce qu’il conviendrait de faire, comment
on pourrait le proposer, les intérêts du peuple, la marche de la cour, la
tactique des individus. Ces conférences m’intéressaient beaucoup, et je ne les
aurais pas manquées, quoique je ne m’écartasse jamais du rôle qui convenait à
mon sexe.
Manon Roland, Mémoires,
publication posthume
Document 2 : Madame Roland face à aux
députés de la Montagne
Marat tient sa torche et son poignard
: ce farouche tribun règne et nous ne sommes plus que des opprimés en attendant
que nous tombions ses victimes. […] Vous connaissez mon enthousiasme pour la
Révolution, eh bien, j’en ai honte ! Elle est ternie par des scélérats ! Elle
est devenue hideuse ! […] Il n’est pas permis de sortir de Paris : on nous
enferme pour nous égorger à l’instant le plus propice.
Lettre
de Madame Roland à Jean‑Henri Bancal des Issarts (député girondin),
9 septembre 1792.
Il y a des projets désastreux contre
Louis [Louis XVI] […] Les avis d’assassinat pleuvent sur ma table, car on me
fait l’honneur de me haïr, et je vois d’où cela vient. […] sans que j’aie jamais
rien dit ni rien fait pour confirmer leur opinion, ils ont jugé que je tiens
quelquefois la plume. […] L’aboyeur Marat, lâché dès lors après moi, ne m’a
plus quittée un moment : les pamphlets se sont multipliés. Je doute qu’on ait
publié plus d’horreurs contre Annette [Marie-Antoinette], à laquelle on me
compare […]. Presque tous nos députés ne marchent plus qu’armés jusqu’aux dents
; mille gens nous conjurent de coucher ailleurs qu’à l’hôtel. La charmante
liberté que celle de Paris ! […] Adieu, brave citoyen, je vous honore et vous
aime de tout mon cœur. Je vous écrirais dans quelques jours, si la tempête ne
nous a pas engloutis.
Lettre
de Madame Roland à Joseph Sevran (ancien ministre girondin), 25 décembre 1792.
Document 3 : Le rôle politique de Madame
Roland
Je m’arrête ici un moment pour
éclairer les doutes et fixer l’opinion de beaucoup de personnes [qui] me
supposent avoir eu dans les affaires un genre d’influence qui n’est pas le
mien. L’habitude et le goût de la vie studieuse m’ont fait partager les travaux
de mon mari [Roland] tant qu’il a été simple particulier. […] Il devint
ministre : je ne me mêlai point de l’administration ; mais s’agissait‑il
d’une circulaire, d’une instruction, d’un écrit public et important, nous en
conférions suivant la confiance dont nous avions l’usage, et, pénétrée de ses
idées, nourrie des miennes, je prenais la plume que j’avais plus que lui le
temps de conduire. […] Je mettais dans ses écrits ce mélange de force et de
douceur, d’autorité de la raison et de charmes du sentiment qui n’appartiennent
peut-être qu’à une femme sensible douée d’une tête saine.
Manon Roland, Mémoires,
publication posthume.
Document 4 : Madame Roland plaidant sa
cause devant le Tribunal révolutionnaire (1799)
Document 5 : Déclaration des droits de la
femme et de la citoyenne
Préambule
Les mères, les filles, les sœurs,
représentantes de la Nation, demandent d'être constituées en Assemblée
nationale ; considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la
femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des
gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les
droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette
déclaration, constamment présente à tous
les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et
leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des
hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution
politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des Citoyennes,
fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent
toujours au maintien de la Constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de
tous.
En conséquence le sexe supérieur en
beauté, comme en courage dans les souffrances maternelles, reconnaît et
déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les
Droits suivants de la Femme et de la
Citoyenne :
Article premier
La Femme naît libre et demeure égale à
l'homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur
l'utilité commune.
II
Le but de toute association politique
est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de
l'Homme : ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et surtout la résistance
à l'oppression.
III
Le principe de toute souveraineté
réside essentiellement dans la Nation, qui n'est que la réunion de la Femme et
de l'Homme : nul corps, nul individu, ne peut exercer d'autorité, qui n'en
émane expressément.
Olympe de Gouges
Rédigée en septembre 1791, publiée
dans Les Droits de la femme, adressée à la reine, s.n., p. 5-17.
Document 6
: Club patriotique de femmes, gouache de Jean-Baptiste Lesueur, 1791, Musée
Carnavalet.