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vendredi 20 septembre 2019

Les femmes dans la révolution. L’exemple de Mme Roland (1754-1793)

Que nous apprend l’exemple de Mme Roland sur la place des femmes dans la Révolution française ?

Repères chronologiques
Mars 1791 : Premier club féminin à Paris.
Septembre 1791 : la Constitution ne donne pas le droit de vote aux femmes.
Décembre 1791 : Mme Roland commence à tenir son salon à Paris.
Mars 1792 : Le mari de Mme Roland devient ministre de l’intérieur.
Septembre 1792 : Loi autorisant le divorce en traitant à égalité les deux époux.
Mai 1793 : Arrestation de Mme Roland. Les députés de la Gironde sont chassés de la Convention par les sans-culottes.
Octobre 1793 : Interdiction des clubs féminins.
Novembre 1793 : Mme Roland guillotinée.

Aide
Brissot (1754-1793) : Député à la Législative (1791-1792) puis à la Convention (1792-1793) et chef de file des girondins pendant la Révolution française. Guillotiné avec les Girondins.
Girondins : Groupe de députés modérés qui s’oppose aux députés de la » Montagne ».
Marat : Dirigeant du groupe des députés de la « Montagne ».

A lire en ligne: Les femmes dans la Révolution, L'histoire par l'image.

Questions :
1. Identifiez le milieu politique et social auquel Manon Roland se rattache. (Doc. 1 et 2)
2. Relevez dans les documents les différents moyens d’action qu’ont les femmes durant la Révolution. (Doc. 1, 3, 5 et 6)
 3. Expliquez à qui s’oppose Madame Roland et pourquoi.  (Doc. 3 et 4)
 4. Analysez la manière dont Manon Roland conçoit le rôle politique et intellectuel des femmes (Doc. 1 et 3).



Document 1 : Madame Roland et les salons girondins
Brissot vint nous visiter […]. Il nous fit connaître ceux des députés que d’anciennes relations ou la seule conformité des principes et le zèle de la chose publique réunissaient fréquemment pour conférer sur elle. Il fut même arrangé que l’on viendrait chez moi quatre fois la semaine dans la soirée, parce que j’étais sédentaire, bien logée, et que mon appartement se trouvait placé de manière à n’être fort éloigné d’aucun de ceux qui composaient ces petits comités.
Cette disposition me convenait parfaitement ; elle me tenait au courant des choses auxquelles je prenais un vif intérêt ; elle favorisait mon goût pour suivre les raisonnements politiques et étudier les hommes. Je savais quel rôle convenait à mon sexe, et je ne le quittai jamais. Les conférences se tenaient en ma présence sans que j’y prisse aucune part ; placée hors du cercle et près d’une table, je travaillais des mains, ou faisais des lettres, tandis que l’on délibérait ; mais eussé‑je expédié dix missives, ce qui m’arrivait quelquefois, je ne perdais pas un mot de ce qui se débitait, et il m’arrivait de me mordre les lèvres pour ne pas dire le mien. […] Là, on examinait l’état des choses, celui de l’Assemblée [2], ce qu’il conviendrait de faire, comment on pourrait le proposer, les intérêts du peuple, la marche de la cour, la tactique des individus. Ces conférences m’intéressaient beaucoup, et je ne les aurais pas manquées, quoique je ne m’écartasse jamais du rôle qui convenait à mon sexe.
Manon Roland, Mémoires, publication posthume

Document 2 : Madame Roland face à aux députés de la Montagne
Marat tient sa torche et son poignard : ce farouche tribun règne et nous ne sommes plus que des opprimés en attendant que nous tombions ses victimes. […] Vous connaissez mon enthousiasme pour la Révolution, eh bien, j’en ai honte ! Elle est ternie par des scélérats ! Elle est devenue hideuse ! […] Il n’est pas permis de sortir de Paris : on nous enferme pour nous égorger à l’instant le plus propice.
Lettre de Madame Roland à JeanHenri Bancal des Issarts (député girondin), 9 septembre 1792.
Il y a des projets désastreux contre Louis [Louis XVI] […] Les avis d’assassinat pleuvent sur ma table, car on me fait l’honneur de me haïr, et je vois d’où cela vient. […] sans que j’aie jamais rien dit ni rien fait pour confirmer leur opinion, ils ont jugé que je tiens quelquefois la plume. […] L’aboyeur Marat, lâché dès lors après moi, ne m’a plus quittée un moment : les pamphlets se sont multipliés. Je doute qu’on ait publié plus d’horreurs contre Annette [Marie-Antoinette], à laquelle on me compare […]. Presque tous nos députés ne marchent plus qu’armés jusqu’aux dents ; mille gens nous conjurent de coucher ailleurs qu’à l’hôtel. La charmante liberté que celle de Paris ! […] Adieu, brave citoyen, je vous honore et vous aime de tout mon cœur. Je vous écrirais dans quelques jours, si la tempête ne nous a pas engloutis.
Lettre de Madame Roland à Joseph Sevran (ancien ministre girondin), 25 décembre 1792.

Document 3 : Le rôle politique de Madame Roland
Je m’arrête ici un moment pour éclairer les doutes et fixer l’opinion de beaucoup de personnes [qui] me supposent avoir eu dans les affaires un genre d’influence qui n’est pas le mien. L’habitude et le goût de la vie studieuse m’ont fait partager les travaux de mon mari [Roland] tant qu’il a été simple particulier. […] Il devint ministre : je ne me mêlai point de l’administration ; mais s’agissaitil d’une circulaire, d’une instruction, d’un écrit public et important, nous en conférions suivant la confiance dont nous avions l’usage, et, pénétrée de ses idées, nourrie des miennes, je prenais la plume que j’avais plus que lui le temps de conduire. […] Je mettais dans ses écrits ce mélange de force et de douceur, d’autorité de la raison et de charmes du sentiment qui n’appartiennent peut-être qu’à une femme sensible douée d’une tête saine.
Manon Roland, Mémoires, publication posthume.

Document 4 : Madame Roland plaidant sa cause devant le Tribunal révolutionnaire (1799)

Document 5 : Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne
Préambule
Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la Nation, demandent d'être constituées en Assemblée nationale ; considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous  les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des Citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous.
En conséquence le sexe supérieur en beauté, comme en courage dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les
Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne :
Article premier
La Femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
II
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de l'Homme : ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et surtout la résistance à l'oppression.
III
Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n'est que la réunion de la Femme et de l'Homme : nul corps, nul individu, ne peut exercer d'autorité, qui n'en émane expressément.
Olympe de Gouges
Rédigée en septembre 1791, publiée dans Les Droits de la femme, adressée à la reine, s.n., p. 5-17.

Document 6 : Club patriotique de femmes, gouache de Jean-Baptiste Lesueur, 1791, Musée Carnavalet.