La métropolisation se poursuit, motivée par une croissance favorable des emplois. La taille n'explique pas tout pourtant.
Matthieu Quiret
Les Echos le 28 mars 2017
La métropolisation de la France a connu un grand bond en avant depuis le début de la décennie. Les réformes territoriales du dernier quinquennat ont même accéléré leur reconnaissance institutionnelle. Le législateur leur a donné tous les pouvoirs dont rêvent les collectivités, tandis que leurs recettes fiscales surfent sur des marchés immobiliers privilégiés et la présence des grands groupes. Il y a quelques semaines, le Parlement a, par ailleurs, étendu leur nombre à 22 grandes agglomérations.
Ces décisions législatives n'ont en réalité fait qu'accompagner des mouvements économiques et démographiques profonds. Trente mégapoles mondiales rassemblent désormais 12 % de la population. C'est l'aboutissement d'une urbanisation devenue exponentielle depuis le XIXe siècle. La métropolisation elle-même date d'une vingtaine d'années, avec le développement des pays émergents. Le Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques la définit comme la réponse des territoires pour nouer des liens, se connecter sur les différents réseaux d'échanges, qu'ils soient matériels ou immatériels, économiques, scientifiques ou culturels. Bref, ce sont les collectivités les plus branchées sur les flux de la mondialisation.
Vivre dans une métropole, c'est d'abord l'assurance d'avoir plus de chance de trouver un travail. Une étude du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) fin 2016 rappelait que Paris, Lyon, Bordeaux et Toulouse concentrent 22 % de l'emploi en France et 20 % des embauches de 2015. Montpellier ne représente que 11 % de l'emploi, mais 16 % des embauches. L'analyse géographique de l'emploi montre que les couronnes des grandes aires urbaines sont les seules à ne pas avoir connu le ralentissement dû à la crise de 2008. Sur la période 1999-2012, les plus grandes agglomérations ont enregistré une croissance de 37 %, qui coïncide avec leur augmentation démographique. En 2012, 81,5 % des emplois se situent dans une grande aire urbaine. Le CGET explique que la mutation de l'économie favorise les emplois de cadres qui sont surreprésentés dans les métropoles, à 91 %, soit 10 points de plus que la moyenne.
Les scientifiques ne sont pas pour autant unanimes à corréler croissance et taille de l'aire urbaine. D'autres dynamiques régionales ou liées à la spécialisation d'un territoire peuvent aussi expliquer ces coïncidences. Ainsi, Lille ne concentre que 13 % des embauches contre 16 % de l'emploi. A contrario, de nombreuses villes moyennes partagent avec Bordeaux, Nantes ou Rennes la prospérité de la façade Ouest. C'est la démonstration que faisait, fin 2016, l'Agence de développement et d'urbanisme de l'aire urbaine nancéienne. « Si l'on excepte le début des années 2000, les métropoles n'ont pas créé plus d'emplois parce qu'elles étaient des métropoles, mais bien parce qu'une majorité d'entre elles présentaient une spécialisation favorable ou n'en avaient aucune préjudiciable, ou bien parce qu'elles profitaient d'une dynamique économique antérieure, gage de leur attractivité. »
Une forte hétérogénéité
Dans ce contexte, on peut s'interroger sur la décision des parlementaires au début de l'année d'élargir à 22 membres le club des métropoles. Mi-mars, le président du Sénat, Gérard Larcher, s'emportait contre cette décision des députés, accusés de reproduire l'erreur des pôles de compétitivité, multipliés par l'Etat pour faire plaisir aux élus locaux.
Une analyse de l'Insee de novembre dernier prenait l'exemple de la région Auvergne-Rhône-Alpes pour illustrer la forte hétérogénéité des grandes villes. Lyon a attiré en 2013 plus de 5 emplois qualifiés sur 1.000, le double de la moyenne nationale, un taux comparable à celui du plateau de Saclay, pôle francilien en fort développement. Grenoble et Clermont-Ferrand sont deux autres métropoles dépassant le ratio de 3 arrivées d'actifs qualifiés sur 1.000, tandis que « Saint-Etienne souffre d'un manque d'attractivité productive avec un taux nettement plus faible (1,1 %) ». Dijon, Toulon, Orléans, Metz ou Tours devront aussi soutenir la comparaison avec les « vraies » métropoles françaises de rang européen ou mondial.
Matthieu Quiret